Il était logique après avoir dévoré l’ouvrage de John Keegan que je me penche sur son pendant documentaire avec le monstrueux pavé appelé « The civil war » du cinéaste Ken Burns.
Ce documentaire de plus de onze heures diffusé en 2008 sur Arte est un prodigieux travail d’historien pour reconstituer le conflit de la guerre de Sécession qui ensanglanta les Etats Unis
d’Amérique de 1861 à 1865.
Pour rendre l’ingestion plus commode, je vous propose donc de tronçonner le visionnage du film en quatre Dvd de trois heures environ chacun.
Le premier d’entre eux se compose de deux parties, la première appelée « La cause » et la seconde « L’impasse sanglante ».
Dans « La cause », Burns revient sur les évènements ayant menés à l’affrontement militaire.
Il est ainsi question de la forte montée en puissance des mouvements abolitionnistes au Nord des Etats-Unis en cohérence avec les idées progressistes alors en vigueur en Europe.
Ces mouvements se matérialisent par l’élection d’Abraham Lincoln, élu président avec 40% des voix qui est un fervent partisan de l’abolition de l’esclavage.
Bien entendu, le Sud qui tire l’essentiel de sa richesse de l’exploitation des champs de coton dans lesquels travaillent des esclaves pour les grands propriétaires, se rebiffe sous l’impulsion du
sénateur Jefferson Davis.
Entre les deux camps la tension monte rapidement, ce qui aboutit à la Sécession des Etats du Sud puis au premier acte d’agression de Fort Sumter (Charleston), fort nordiste pris d’assaut qui
malgré le coté purement symbolique de l’attaque, déclenche la mobilisation générale des états de l’Union.
Ken Burns donne la parole aux historiens contemporains (Shelby Foote, Barbara Fields) qui prodiguent leurs analyses précises mais de manière plus touchante aux acteurs de l’époque à travers
des manuscrits historiques.
Ainsi on comprend par les témoignages d’esclaves affranchis comme Frederick Douglas la dureté des conditions de vie des esclaves et la difficulté pour les Noirs même affranchis de trouver leur
place dans l’armée nordiste.
Le journal de Mary Chesnut femme d’un sénateur sudiste surprend par la largesse et la modernité de ses vues à contre courant du camp de son mari.
On assiste à une exposition rapide des principaux acteurs politiques et militaires de l’époque comme Abraham Lincoln à l‘intelligence supérieur, Ulysse Grant (inapte à la vie civile), William
Sherman (à tendance dépressive) Nathan Bedford Forrest (cavalier émérite et guerrier jusqu‘au boutiste), Samuel Jefferson (peu commode), Lee (brillant mais trop succinctement évoqué), mais
également de simples soldats du rang comme le sudiste Sam Watkins ou nordiste Elijah Hunt Rodes dont les récits intimes dépouillés de tout artifice de communication demeurent parmi les
témoignages les plus émouvants du conflit.
Même si le Nord est beaucoup plus riche et quatre fois plus peuplée que le Sud, ce dernier se bat avec courage, profitant des nombreuses erreurs de commandements réalisés dans le camps adverse
notamment lors de la terrible bataille de Bull Run (Manassas) ou Stonewall Jackson et Beauregard défont les troupes du vieillissant Mc Dowell qui sera après coups remplacé par le très médiatique
général Mc Clellan.
Les photos d’amputations permettent de prendre conscience des dégâts sur le corps humain provoqués par la puissance de feu des fusils.
Expert en formation et logistique, Mc Clellan qui a beaucoup étudié les armées européennes, instaure une stratégie complexe de prise en tenaille du bloc Sudiste afin de l’asphyxier, qui s’avérera
inefficace en raison d’un manque tempérament.
Au final, la première partie s’achève par une lettre poétique particulièrement émouvante d’un major nordiste Sullivan Balou, adressé à sa femme en guise d’adieux.
Légèrement plus courte, la seconde partie centrée sur l’année 1862, montre la montée en puissance des conflits de plus en plus intenses ou il n’est pas rare de voir 30% des effectifs engagés
décimés.
Les correspondances entre Lincoln et Mc Clellan montrent l’exaspération croissante du président face à l’attentiste de son général en chef des armées, paralysé par un sentiment de peur face au
nombre de ses ennemis.
Un zoom plaisant est réalisé sur les innovations dans le domaine naval comme l’apparition des premiers cuirassés (le Merrimack Sudiste et le Molitor nordiste à tourelle tournante) qui envoyèrent
aux oubliettes les navires militaires traditionnels.
Du coté fluvial, face à l’attentisme de Mc Clellan, Grant remporte ses premiers succès au Kentucky en impressionnant par son calme et sa détermination.
Le point culminant de l’affrontement est Shiloh (Pittsburgh Landing), choc effroyable qui surpasse en horreur le pourtant déjà horrible Manassas.
Après un premier choc favorable aux sudistes, les renforts nordistes arrivent et permettent à Grant et Sherman de prendre le dessus sur Beauregard et Johnston qui est tué au combat.
Même si la victoire douloureuse de Shiloh laisse des traces dans les deux camps, le Sud commence déjà à avoir du mal à soutenir l’effort de guerre en moyens humains et matériels.
En conclusion, très dense, « The civil war, dvd 1 » permet de mieux comprendre le déroulement de ce conflit d’une envergure exceptionnelle.
Si la première partie consacrée à l’exposition de la situation met du temps à démarrer, on est rapidement happé par la puissance des témoignages écrits retrouvés par Burns et encore plus par les
photos d’époque qui permettent de mettre des visages humains sur l’horreur des conflits.
Les innovations technologiques : amélioration de la puissance de l’artillerie, des fusils, emploi de mines et de cuirassés expliquent le nombre élevé des victimes broyées lors des assauts par des
tempêtes de feu et d’aciers.
Trop orgueilleux, Mc Clellan par ailleurs brillant théoricien, se montre incapable de mener à bien la stratégie de Lincoln par manque de contrôle de soi et de clairvoyance, qualités qui seront
l’apanage de son rival le plus modeste Grant, homme de terrain au courage indomptable.
« The civil war, dvd 1 » laisse donc en attente, devant une offensive nordiste puissante mais indécise en raison des qualités de ses opposants notamment le général Lee défenseur
de la ville de Richmond.
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